Side-cars : la catégorie oubliée
11 novembre 2019, Nicolas Pascual
Aujourd’hui tombés en désuétude, les side-cars (machines à trois roues emportant un passager) étaient bel et bien de la partie dans un week-end de course. Le championnat était donc, au même titre que la 500CC, inclus dans les Grands Prix motos. Retour sur ces années de gloire et d’ingénierie.
Présente au calendrier depuis la première édition des Grands Prix en 1949, elle y est restée jusqu’en 1996. Les pilotes et singes (les passagers) sont alors énormément respectés tant les vitesses de passage en courbe sont folles, et tout le temps à la limite.
C’est par ailleurs un vrai travail d’équipe, qui est compliqué à mettre en œuvre et nécessite du travail, encore et encore. Une vraie alchimie doit se développer. Depuis 1949, différentes marques y ont pris part, mais BMW s’est en particulier démarqué.
En effet, il existe ce que l’on peut appeler une dynastie. Au début des années 1950, Norton laisse sa place à la firme bavaroise, alors en avance technologiquement. Le bicylindre à plat, alors que peu efficace en compétition moto, faisait le bonheur des plateaux side-cars, car facile à atteler et à équilibrer. Résumons : pour gagner, il faut une BMW deux pattes, et un panier que l’on attache.
Max Deubel et Emil Hörner à Assen en 1963. Photo : Jack de Nijs / Anefo
Aussi simple que ça. Mais au fur et à mesure, l’aérodynamisme, la question du centre de gravité jouent un rôle de plus en plus important et embête mécaniciens et ingénieurs. Mais les allemands ne flanchent pas : BMW est impliqué dans les titres mondiaux de 1954 à 1974.
Cette outrageuse domination est incarnée par des légendes, elles aussi principalement d’outre Rhin. Du talentueux binôme Wilhelm Noll / Fritz Cron au légendaire duo composé de Klaus Enders et Ralf Engelhardt (cinq titres de champions du monde).
Mais la catégorie prend un autre tournant dans les années 1970. Devenue archaïque, la machine bavaroise n’est plus d’actualité. On passe à la formule moto + panier à un prototype, ni plus, ni moins.
Déjà, niveau moteur. On passe d’engins plus ou moins sommaires à des moteurs de hors-bord, pour gagner en agilité et en poids. À partir de là, le point de non retour était passé. Pour supporter le couple et la puissance parfois démesurés des quatre cylindres à plat König, il a fallu réinventer les boîtes de vitesses afin d’obtenir le meilleur rendement.
Mais concernant les châssis, il y avait encore de la marge. Et un pays en particulier s’est spécialisé en la matière : la Suisse. En plus du chocolat, l’Helvétie nous à offert des sorciers de la mécanique, ayant produit des monstres sans précédent, avec Louis Christen de chez LCR et Eric Vuagnaz (Seymaz) en tête.
Et c’est à ce moment que l’on se rend compte que la catégorie manque. Cette dernière était très ouverte à la technologie et laissait les ingénieurs-magiciens des temps modernes de la liberté. Entre side-cars à deux roues directionnelles et châssis directement inspirés de la F1, c’était un régal de voir ces machines au bruit incroyable fouler les circuits. C’était différent. Mais tellement impressionnant. Les machines entre elles n’étaient pas non plus semblables. Sur un week-end, on pouvait observer des châssis LCR, Seymaz, Windle, TTM, BEO, Busch… avec des décos parfois flashy.
Beaucoup de stars concourraient en même temps : ici Rolf Biland et son singe Kurt Waltisperg (n°1), suivi des néerlandais Egbert Streuer et Bernard Schnieders au TT Assen 1984. Photo Marcel Antonisse / Anefo
Niveau moteur, on avait évolué : Les moulins de Yamaha TZ500 étaient privilégiés et trustaient les plus hautes marches des podiums. La Suisse avait pris les commandes même au niveau du classement pilote. La légende Rolf Biland et son compère Kurt Waltisperg s’adjugent sept titres, sur trois décennies différentes. Quelques pilotes forts se sont partagés les championnats, mais les affrontements valaient toujours le coup. Les stars sont allemandes, suisses donc, néerlandaises, et même… françaises.
En effet, en 1990, Alain Michel et son singe Simon Birchall (un britannique) s’imposent et remportent la couronne sur un magnifique LCR, motorisé par Krauser. Au terme d’une année spectaculaire et de duels acharnés contre Steve Webster (dix titres) et Egbert Streuer, le drômois est encore aujourd’hui le seul pilote champion du monde français de la discipline.
Mais à l’heure actuelle, la catégorie est un peu passée à la trappe. Après son éviction du monde des Grands Prix fin 1996, le championnat n’a cessé d’évoluer, de bouger, et n’a pas encore trouvé sa forme finale. Très peu médiatisé, une seule course met en avant encore ces guerriers : Le Tourist Trophy. Les side-cars ont gardé la cote sur l’île de Man, restant le point culminant d’une année d’un spécialiste et tournant toujours à des vitesses tout à fait aberrantes.
C’est presque dommage que ce pan de l’histoire des sports motos soit aujourd’hui quasiment oublié, car la diversité qui était proposée, les décos hautes en couleur, les duels de légendes, ainsi que les sonorités chantantes occupent toujours une place particulière dans le cœur des passionnés.
Photo de couverture : Stu Newby